«Quel
est le coût de la pauvreté zéro au Québec?»
par
Michel Bernard |
Il
est possible de calculer le montant de revenu annuel
supplémentaire nécessaire au Québec pour éliminer
la pauvreté au Québec. |
Il est possible de calculer le
montant de revenu annuel supplémentaire nécessaire au Québec
pour éliminer la pauvreté au Québec.
1) On sait que selon le Conseil
National du bien-être social, il aurait fallu 18,6 milliards de
revenus annuels en plus en 1997 au Canada pour que personne ne
soit sous le seuil de pauvreté (1). La définition du seuil de
pauvreté est calculé selon les niveaux de revenu brut à
partir desquels les dépenses de nourriture, logement et vêtements
représentent une part disproportionnée des dépenses des ménages.
La famille moyenne dépense 36,2% de son revenu brut en
nourriture, vêtement et logement : les pauvres sont ceux qui dépensent
plus de 56,2% à ces mêmes dépenses Par exemple, le seuil de
pauvreté est de 16 320$ pour une personne seule et de 32 377$
pour une famille de quatre vivant en ville (2).
2) On sait que le Québec
compte 1 472 000 pauvres alors que le Canada en compte 5 121 000
; cela signifie que 19,5% des pauvres vivent au Québec (1 472
000 5 121 000). Comme 19,5% des pauvres viennent du Québec,
cela signifie que quelque 3,6 milliards par année (18,6
milliards x 19,5%) serait l'ordre de grandeur du montant nécessaire
à la pauvreté zéro au Québec.
Évidemment, ce calcul n'est
pas parfait car rien n'assure que le degré de pauvreté n'est
pas plus prononcé au Québec (c'est à dire que les pauvres du
Québec sont plus loin sous le seuil que les pauvres des autres
provinces) ou qu'il en coûterait plus cher pour sortir
quelqu'un de la pauvreté au Québec. Toutefois, c'est un ordre
grandeur. Ce calcul est important, car il donne un aperçu du coût
brut du revenu de citoyenneté en supplément des programmes
actuels. En réalité, le coût net revenu de citoyenneté
et la pauvreté zéro serait beaucoup moins car il faut
soustraire les effets de la formidable croissance économique
dans les biens essentiels et la chute des coûts sociaux que
cela entraînerait : l'opération entraînerait probablement un
surplus pour ceux qui savent calculer et qui voient plus loin
que les comptes courants (3). Donc, si le but du revenu de
citoyenneté est la pauvreté zéro, alors c'est environ 3,6
milliards de revenus supplémentaires dirigés vers les pauvres
à chaque année qu'il faudrait au Québec.
Voici ce que coûterait la
pauvreté zéro pour chacun des groupes sociaux toujours en
tenant compte du fait que 19,5% des pauvres viennent du Québec
:
Coût de la pauvreté zéro
pour des groupes ciblés
|
Au Canada |
Au Québec |
Hommes
âgés de moins de 65 ans |
4 milliards |
780 millions |
Couples
âgés de moins de 65 ans - Avec des enfants de moins de
18 ans |
3,7 milliards |
721 millions |
Femmes
seules âgées de moins de 65 ans |
3,2 milliards |
624 millions |
Mères
seules âgées de moins de 65 ans - Avec enfants de
moins de 18 ans |
3,2 milliards |
624 millions |
Couples
âgés de moins de 65 ans sans - Enfants de moins de 18
ans |
1,5 milliard |
293 millions |
Femmes
seules âgées de 65 ans et plus |
875 millions |
171 millions |
Couples
âgés de 65 ans et plus |
230 millions |
45 millions |
Hommes
seuls âgés de 65 ans et plus |
201 millions |
39 millions |
Autres |
1,7 milliard |
332 millions |
Total |
18,6 milliards |
3,6 milliards |
Autres données :
Globales
En 1997, le taux de
pauvreté était de 17,2% au Canada ( 5 121 000 pauvres sur une
population de 29 846 000) (4), 19,6% des enfants sont pauvres (1
384 000 pauvres sur 7 053 000) (5) et 17% des personnes âgées
sont pauvres (602 000 pauvres sur 3 545 000) (6). Au Québec il
y avait 1 472 000 pauvres soit 20,1% de la population (7).
Femmes
Les plus " badluckées
" sont les mères seules. Le taux de pauvreté des mères
seules est de 57,1%, il est de 42% chez les femmes seules de 65
ans et plus et de 38,5% chez les femmes seules de moins de 65
ans vient ensuite les hommes seuls avec un taux de 33,4% (8).
Les femmes sont plus pauvres que les hommes ; chez les 18 à 24
ans 26,6% des femmes sont pauvres tandis que 20,2% des hommes
sont pauvres. Chez les 75 à 84 ans, 25,4% des femmes sont
pauvres contre 10,7% pour les hommes. Il est scandaleux de
constater que 30,2% des femmes de 85 ans et plus vivent dans la
pauvreté (9). Une chance que l'argent ne fait pas le bonheurLes
jeunes et les personnes âgées sont plus pauvres que les autres
citoyens.
Working poors :
Voici une donnée importante :
l'écart entre le taux de pauvreté et le taux de chômage qui
était de 3 à 5% depuis vingt ans a dépassé 6% de 1996 à
1997 ce qui prouve que le travail sort de moins en moins le
monde de la pauvreté. La différence était de 7% en 1997 (10).
Environ 55% des pauvres sont des " working poors ",
21% des chefs de familles pauvres avaient un emploi à temps
plein et 35% à temps partiel (11) (pauvres avec travail, ils ne
gâchent pas nos belles statistiques de chômage). Vingt et un
pour cent des couples pauvres avaient réussi à accumuler à
deux de 49 à 52 semaines de travail.
Le travail partiel est
insuffisant : les personnes seules qui ont réussi à obtenir de
20 à 29 semaines de travail en 1997 subissent un taux de
pauvreté moyen de 51,5%. Les couples qui ont accumulé à deux
de 40 à 48 semaines de travail sont demeurés pauvres à 30,3%.
Familles monoparentales :
Il y avait 596 000 mères
seules en tout au Canada et le taux de pauvreté y était de
57,1%. Il y a donc 340 000 mères seules pauvres au Canada 12(.
Les jeunes familles sont frappées
durement : le taux de pauvreté est de 80,2 % dans une
famille ayant une femme seule à sa tête et comptant deux
enfants de moins de 7 ans. Les mères seules de moins de 25 ans
sont pauvres à 93,3%. Les jeunes couples de moins de 25 ans
sont pauvres à 34% ; encourageant de faire des enfants... (13)
Enfants :
Le taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans est de
19,6% au Canada et 20,9% au Québec. Il y avait 1384 000 enfants
pauvres au Canada sur un total de 7 053 000 enfants et 343 000
enfants pauvres au Québec en 1997 (14).
Le taux de pauvreté est
de 60,5% au Canada pour les enfants de moins de 18 ans élevés
par une mère seule (571 000 enfants pauvres dans ces ménages).
Il est de 61,1% au Québec (148 000 enfants pauvres dans ces ménages)
Degré de pauvreté.
La sévérité de la
pauvreté se mesure par l'écart du revenu par rapport au seuil
de pauvreté. Les pires parmi les pauvres sont les hommes seuls
de moins de 65 ans qui ne recueillent en moyenne que 54% du
seuil de pauvreté. Ils sont suivis de près par les femmes
seules qui ne recueillent en moyenne que 55% du seuil. On sait
que le taux de pauvreté des mères seules pauvres est de 57,1%
; en plus, ces mères seules pauvres ne récoltaient en moyenne
que 61% du seuil, leur pauvreté est sévère.
|
- Taux de pauvreté
- (% du groupe)
|
- Gravité de la
pauvreté
- (% du seuil)
|
Hommes
seuls âgés de moins de 65 ans |
33,4% |
54% |
Couples
âgés de moins de 65 ans avec des enfants de moins de
18 ans |
11,9% |
67 % |
Femmes
seules âgées de moins de 65 ans |
38,5% |
55% |
Mères
seules âgées de moins de 65 ans avec enfants de moins
de 18 ans |
57,1% |
61% |
Couples
âgés de moins de 65 ans sans enfants de moins de 18
ans |
10,9 % |
61% |
Femmes
seules âgées de 65 ans et plus |
42 % |
84% |
Couples
âgés de 65 ans et plus |
7% |
83% |
Hommes
seuls âgés de 65 ans et plus |
27,2% |
82% |
Autrement dit, il y a "
seulement " 33,4% des hommes seuls qui sont pauvres, mais
ceux qui sont pauvres le sont sévèrement car ils ne récoltent
en moyenne que 54% du seuil de pauvreté.
- 1- CONSEIL NATIONAL DU BIEN-ÊTRE
SOCIAL, Profil de la pauvreté, 1997.p. 61
2- CONSEIL NATIONAL DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, Profil de la
pauvreté, 1997.
3- BERNARD, Michel, CHARTRAND, Michel, Manifeste pour un
revenu de citoyenneté, Éditions du ReNouveau Message Québécois,
chpt 2.
4- Idem, p. 12
5- Idem, p. 14
6- Idem, p. 16
7- Idem, p. 25
8- Idem, p. 39
9- Idem, p. 40
10- Idem, p. 15
11- Idem, p. 90 et p. 69
12- Idem, p. 20
13- Idem, p. 42
14- Idem, p. 95
|
«Comme
une grosse secte: la pensée unique au Québec»
par Michel
Bernard |
La
pensée est devenue tellement unidimensionnelle ces
dernières années au Québec que l'image qui me vient
à l'esprit est celle d'une vaste secte avec ses
dogmes, ses textes sacrés, ses transcendances, ses
adeptes obnubilés. |
DES dogmes comme l'ordre spontané du marché, la supériorité
présumée du secteur privé, la justice immanente du marché,
l'exaltation de la concurrence, la compression des dépenses
publiques, l'idée que le laisser-faire crée un ordre et la déréglementation,
la défiscalisation qui s'ensuivent, l'inutilité de l'État et
des fonctionnaires accompagnée d'une apologie des
entrepreneurs, l'impossibilité de la planification, l'inévitabilité
de la précarité de l'emploi, l'anti-syndicalisme, l'idéologie
de la technologie et l'informatisation à outrance,
l'envahissement par la publicité, etc. La secte sacralise
des mots-clés à répéter comme autant d'incantations
: mondialisation, fusion, libre-échange, concurrence, déficit
zéro, idéologie de la croissance à l'infini, privatisation,
virage ambulatoire, rationalisation, subventions, partenariat, télé-marketing,
travailleur " autonome ", etc.
La fausse libération.
La modernité prétend avoir libéré l'individu des
transcendances, des au-delà. Nous y sommes plus que jamais, car
l'ordre spontané du marché est justement une métaphysique. On
prétend nous avoir libérés des systèmes politiques
volontaristes, des communistes, des socialistes, des sociaux-démocrates
qui voulaient imposer à tous " leur " vision du
monde, implanter " leur " définition de la vie bonne
par le pouvoir de l'État. Or, justement la soumission à l'idéologie
du marché entraîne un mimétisme, une pensée unique acritique
qui n'a rien à envier au plus beau temps de Mao. L'impuissance
de l'individu a simplement changé de forme. Le discours de la
pensée unique définit la précarité et la guerre économique
de tous contre tous, comme la condition essentielle de l'homme.
La pensée de la libération de
l'individu par rapport à l'État n'a plus sa contrepartie : la
critique de la subordination de l'individu au pouvoir
dictatorial du capital et des compagnies et de leur seule
finalité, la recherche du profit maximal en un minimum de
temps au détriment des hommes et de la nature. Le
profit à court terme devient la grammaire universelle
structurant le sens de toute activité humaine. L'ordre du jour
qu'on nous impose, c'est celui des 10% qui détiennent 70%
des actifs financiers du genre actions et obligations et
celui de l'aristocratie des 1% qui en détiennent 40% (1).
L'indice Toronto Stock Exchange a augmenté de 75% de 1995 à
1998. Le capital des compagnies canadiennes a obtenu un
rendement de 16,2% en 1997. Pendant ce temps, de 1983 à 1997,
les gains hebdomadaires moyens des travailleurs salariés québécois
ont chuté de 595$ à 566$ en termes réels.
Évidemment, c'est une vieille règle en
communication, plus une opinion semble partagée, plus elle a
une force d'attraction et plus facilement le public s'y
ralliera. Ceux qui sont indécis ou ceux qui n'ont pas le temps
de s'interroger ont un moyen économe de se faire une idée, ils
se guident par le nombre de ceux qui semblent partager une
opinion. C'est pourquoi, les affairistes veulent contrôler les
médias et leur contenu.
Les gourous.
Les médias convoquent toujours les mêmes invités
permanents surtout en des périodes cruciales comme les périodes
électorales ou lorsque siège des commissions sur la fiscalité,
les privatisations, les budgets, etc. On voit alors sortir les
associés de Sécor ou de cabinets de comptables comme Côté,
Saucier ou Cyrenne, les éditorialistes de droite
anti-syndicalistes, anti-nationalistes, anti-État comme Dubuc
(2), Picher (3), les vieux libéraux comme Rivest ou Ryan, les
administrateurs de compagnies d'assurance comme Castonguay qui
prônent la privatisation, les économistes enfermés dans leur
paradigme comme Pierre Fortin, ou les économistes de banque
comme Bastarache ou Vachon (4), affairistes comme Sirois, les
banquiers comme le gros Bérard qui semble être partout, sans
parler du Conseil du patronat (5), de l'Alliance des
manufacturiers, de tous les présidents de Chambres de commerce,
etc.
Tous ces gourous agissent comme un
groupe de pression qui veut imposer son acte de foi dans le
marché. Les gourous comme ceux du Fraser Institute, font la
manchette avec la moindre petite ponte dont les incantations
sont répétées sans critique dans les médias, comme leur
concept de libération fiscale (6)... La business des sondages
est là pour fournir le résultat voulu en tripotant les
questions.
Un juge suprême infaillible
La doctrine de la secte exige de laisser le marché
sanctionner toute activité humaine par son seul critère qui
est le profit (profit à court terme d'ailleurs). Évidemment,
rien ne prouve que le marché laissé à lui-même conduit à un
ordre social mais on ne questionne pas une foi et son paradis.
Pourtant, historiquement, le laisser-faire a conduit à la
concentration des richesses pour une minorité et à de graves
troubles sociaux pour la majorité. Pourquoi devrions-nous
maintenant faire confiance aux forces impersonnelles du marché
? Aux États-Unis, depuis la montée du néolibéralisme, la
classe moyenne s'est considérablement appauvrie, les pauvres
voient leurs filets sociaux tomber et une minorité s'est
colossalement enrichie. Les 400 Américains les plus riches se
partagent 1000 milliards $ US soit un somme supérieure au PIB
de la Chine. Quand les Américains se pètent les brettelles
d'une hausse de leur PIB, ils parlent du butin d'une clique de
riches et non de l'amélioration du sort de leur 40 millions de
pauvres. Le chômage, enfin celui qui est répertorié, est bas
mais 20 millions de travailleurs doivent avoir recours aux
soupes populaires, tellement leurs revenus sont précaires. Évidemment,
pour anesthésier les fidèles, on dira que la pauvreté, les inégalités
sont attribuables à la force anonyme et impersonnelle du marché
et non au rapport de force du capital. Par prudence toutefois,
on prépare un bon gros État police répressif comme celui qui
discrètement a conduit 10 millions d'Américains à avoir
affaire à la justice, surtout les pauvres, surtout les Noirs.
Dans la secte, l'asservissement, l'acte de foi des adeptes est
tel qu'ils ne peuvent plus voir le monde autrement. La secte plâtre
les cervelles pour désigner ses ennemis communs : les syndicats
qui osent opposer un rapport de force au capital qui osent
exiger un sort différent des non syndiqués sans pouvoir du
privé, les fonctionnaires boucs émissaires naturels de ceux
qui veulent l'État minimal, l'État lui-même qui ose encore réglementer
le laisser-faire, l'environnement, le travail. Un pousseux de
rondelles qui s'exprime avec peine, un président de compagnie
de bière peut gagner autant que 100 professeurs ou 200 infirmières,
le coût du pétrole peut monter de 25% en une nuit, les frais
bancaires peuvent exploser en choeur, c'est justice, c'est privé,
c'est le marché. C'est le marché qui analyse la valeur de ce
que chacun a à échanger et il ne se trompe jamais. Surtout, il
n'y a pas de collusion chez les banques et les pétrolières ;
il n'y en avait pas non plus dans les compagnies pharmaceutiques
jusqu'à ce que l'on prouve qu'elles s'entendaient depuis des décennies
pour fixer le prix élevé des vitamines
La réflexion par l'imitation
Les péquistes ont volé la droite aux libéraux qui se
tassent encore plus à droite. Ceux qui se sont fait élire pour
représenter une volonté politique, pour porter nos projets
sociaux nous disent : " il faut s'adapter à l'ordre du
marché. " Le Québec n'a plus qu'un projet d'imitation. Au
sommet de 1996 sur l'emploi, Bouchard a lancé : " il faut
s'adapter " ; s'adapter aux États-Unis, à l'Alberta, à
l'Ontario (7). Toute une souveraineté pour un peuple.
C'est devenu une incantation qu'on a marmonné mille fois
depuis ce temps : s'adapter, s'adapter, s'adapter. À quoi
pensez-vous que le sommet sur la jeunesse servira ? Un exercice
de manipulation.
Bernard Landry (8), qui pourtant vante
le fonctionnement spontané de l'économie de marché, qui parle
comme un livre d'introduction à l'économie, dit qu'il n'a pas
le choix de garrocher l'argent du peuple aux compagnies qui
menacent d'aller s'installer ailleurs. C'est bizarre, les
cadeaux de l'État, quand ils sont dirigés vers les compagnies,
ne troublent pas la merveilleuse sanction de l'excellence par le
marché, ils ne détraquent pas alors la machine économique qui
est présumée fonctionner seulement si on la laisse faire. Il déclare
: " Mais parfois, il faut aider la nature à cause d'une
autre loi naturelle, la concurrence. Il y a d'autres villes d'Amérique
du Nord qui veulent attirer des centres d'appels (9)",
" nous n'avons pas le choix, quand les autres pays
cesseront de subventionner les compagnies nous pourrons faire de
même ". C'est bizarre aussi qu'il parle de lois de la
nature pour des constructions humaines, sans doute pour
impressionner les citoyens à bon compte par le recours à une
transcendance : la " nature ". Paradoxal cliché,
quand on sait ce que le principe du profit éclair fait de la
nature Pourquoi ne pas être parmi ceux qui commencent justement
à dire non au chantage des compagnies plutôt que d'attendre
les initiatives des autres ?
Landry était le premier à vanter la
mondialisation et le libre-échange : il semble que la créature
échappe aux créateurs. Le libre-échange a renforcé le
pouvoir du capital maintenant libre de se livrer au plus offrant
au mépris des besoins nationaux. L'aventure de Hyundai, GM,
Volvo-Novabus et bien d'autres montrent que les entreprises
jouent les États les uns contre les autres, encaissent les
subventions et déménagent les emplois ailleurs ensuite.
Pourquoi est-ce que les politiciens du Québec ne pourraient pas
être autre chose que des imitateurs et des porte-queue du
capital ? Le peuple Québécois a un destin : imiter le néolibéralisme
américain ou concurrencer la fiscalité ontarienne ;
merveilleux, on se sent pousser des ailes !
Les saints des saints
Par contre, le système a ses saints, les entrepreneurs,
bienfaiteurs qui utilisent à fond le système, mais qui ne sont
responsables évidemment d'aucun de ces effets pervers (la force
impersonnelle du marché) crème de l'humanité quelque soit ce
qu'ils entreprennent et bien que ce soit entendu qu'ils ne
poursuivent que leur enrichissement personnel. La secte a son
unité de mesure qui correspond à son idéologie: le succès s'évalue
en dollars. Les monopoles autrefois qualifiés de dangereux sont
maintenant nos plus chers amis dans la nouvelle religion car ils
pourront affronter la mondialisation, et patati et patata, les
objets du culte néolibéral sont encensés continuellement.
Au Québec, on a pris l'habitude de nous présenter comme
solution universelle à tous les problèmes la remise de toute
activité entre les mains d'entrepreneurs privés. Les Partis
traditionnels privatisent à petit feu la santé par son
sous-financement ; ils veulent faire de la santé et de la
maladie humaine des objets de commerce ; de même, ils font de
l'éducation progressivement une business en refusant de
la financer adéquatement ; les Chaires universitaires financées
par la business orientent leurs recherches vers les finalités
des compagnies, les bien nantis se paient les écoles privées
et demandent des réductions des impôts qui financent le public
; phénomène corrélé et représentatif, on a noté que les
institutions d'enseignement sous-financées invitent coke,
pepsi, et cie à venir établir des monopoles dans les murs des
écoles ; bientôt McDonald distribuera le matériel pédagogique.
Les Nouveau Messagex bérets blancs sonnent
à nos portes.
Dernièrement, certaines personnes nous ont alertés à
l'effet que les banquiers et les affairistes ploguent leur
publicité, leurs produits, jusqu'à des autos sur les scènes
de théâtres, quand ils ne siègent pas carrément aux
conseils d'administration des institutions sous-financées pour
imposer leur esthétique de broche à foin, quand ce n'est pas
pour censurer en douce les uvres trop " subversives ";
les producteurs privés censurent indirectement les uvres des
artistes en fonction de leur critère de rentabilité.
Le PQ privatise sournoisement
Hydro-Québec sans mandat (10); il réduit l'aide aux démunis
et viole la justice sociale au point que l'ONU met le
gouvernement en demeure de changer les choses (11); les
politiciens précipitent les jeunes dans les cul-de-sac des
programmes d'emplois sous-financés et bidons (12); ils
financent avec l'argent du peuple une croissance économique qui
ne bénéficient plus qu'aux riches, qu'à une aristocratie du
capital (les 10% ci-haut).
Une chance qu'on les a pour nous
indiquer la voie du salut.
Le PQ tout comme les libéraux, déréglementent la
protection de l'environnement ou réduisent les organismes
publics à l'impuissance (13) et ont laissé des affairistes ériger
des centrales électriques sur les rivières, au point que
ceux-ci sont scandalisés lorsque l'on fait appliquer ce qui
reste de lois sur les consultations publiques (14) ; on les
laisse raser les forêts, allant même jusqu'à nommer des
centimillionnaires comme Jean Coutu à la tête de la réflexion
sur l'avenir de notre société (il s'est battu à mort pour
continuer de vendre des cigarettes dans ses pharmacies) et des
affairistes comme Bernard Lemaire de Cascades, constructeur de
barrages, à la présidence d'un comité de déréglementation
(15). Il a conclu que le développement du Québec ne devait pas
être arrêté par quelques anguilles.
Dominique, nique nique répétait
tout simplement
Le dernier gourou convoqué par le PQ, Yvon Cyrenne, un
comptable au point de vue archi-réductionniste qui siège sur
une commission s'interrogeant sur les finances publiques, qui déblatère
gratuitement sur l'État et ses travailleurs, qui vante la
fiscalité américaine en cachant ses effets pervers, ses 40
millions de pauvres et ses 40 millions incapables de se payer
d'assurance-santé. Il appelle à la privatisation à gogo comme
une panacée, il recommande le versement d'argent public à la
construction de stades de baseball pour accueillir les
millionnaires frappeurs de balles pendant qu'on manque
dramatiquement de logements sociaux, (en 1996, 43% des ménages
locataires consacraient 30% ou plus de leur revenu brut au
loyer, 23% des ménages plus de 50%), il joue les bonhommes sept
heures avec l'exode des cerveaux malgré qu'on n'ait pas de données
fiables à ce sujet, etc. Il défonce des portes
ouvertes en ne faisant que répéter le discours banal de la
droite. Ce discours qu'on attribuait il y a quelques années
à des républicains du fin fonds du Texas est en train de
devenir le discours officiel au Québec. Ailleurs on
laisserait ce Cyrenne moisir dans son insignifiance ; c'est un
comptable d'un grand cabinet qui veut plaire à ses clients, aux
affairistes, ce n'est pas un prophète, il tourne en rond sur sa
petite patinoire comptable en fonction d'intérêts strictement
individuels. Ici on l'invite à Radio-Canada
Destin des sectes ;
l'autodestruction.
Quel est l'ordre du jour ? Installer l'ultralibéralisme,
imiter les États-Unis ? Le PQ comme tous les partis, se
livre à un affaiblissement de l'État, de nos moyens collectifs
d'action et de nos finalités collectives. Si notre État
" indépendant " doit devenir un État minimal, une
grosse agence Pinkerton vouée au respect intégral de la propriété
privée illimitée, à quoi cela peut-il bien servir ? Les
hommes d'État du Québec se transforment en micropoliticiens
penchant au gré des lobbies des compagnies. Le PQ ne parle plus
d'indépendance que par opportunisme électoral, comme sujet de
conversation pour combler le vide politique. Son seul discours
en est un de justification de recul de l'État. Les moumounes péquistes
se plaignaient du fait que des policiers sont venus protester
l'arme à la ceinture à leur petit exercice masturbatoire, leur
conseil national; la vraie violence ce sont eux qui la
pratiquent en construisant une société qui ne prend plus en
charge les effets pervers de son mode de collaboration, qui
abolit progressivement les recours de ses citoyens en difficulté,
qui fait progressivement de l'éducation et de la santé des
citoyens l'objet d'une business privée destinée à enrichir
une minorité. Une telle société est décadente. La secte nous
serine que seul le marché laissé à lui-même entraîne le
monde dans la bonne direction. Quand il n'y a plus d'extériorité,
plus de discours d'opposition, la bêtise peut aller très loin,
on l'a constaté souvent.
1- STANDFORD, Jim, " Vast
majority of shares held by élite on well-off families ", The
CCPA Monitor, sept 99, vo. 6 no. 4, p. 15
2- Exemples : Une grève de trop, 17 juin 1999 : Anatomie
d'une grève stupide, 24 juillet 1999, Déficit québécois,
la lutte inachevée 21 mars 1998, Une grève de droite, 1er
sept. 1999, etc. etc. etc.
3- Exemples : Les faux seuils de pauvreté, 25 oct 1997 :
Autre négation de la pauvreté Le Québec est-il si pauvre
qu'on le dit ? 256sept 1999 : Un régime fiscal fou, fou,
fou, 15 avril 1999, L'hypocrisie des cartes de compétences
8 avril 1999, etc., etc. Les deux compères de la Presse à
Desmarais font métier à plein temps de déblatérer contre les
syndicats, contre l'État, contre les impôts, contre les bénéficiaires
de l'aide sociale, contre les fonctionnaires, tout en faisant
l'apologie des entrepreneurs, du capitalisme, du marché, de
l'Ontario, des États-Unis, etc.
4- " Pour une baisse radicale des impôts, c'est de que prône
l'économiste en chef de la Banque Nationale (Dominique Vachon)
", La Presse, 27 février 1999.
5- " Le Conseil du patronat du Québec réclame 4,5
milliards d'impôts ", Le Devoir, 6 août 1999.
6- Le jour de la libération fiscale est arrivé 24 heures
plus tôt, Le Devoir, 22 juil 1999. Cet institut financé
par son membership de banques et de compagnies nous sert à
chaque année le même sophisme voulant que les québécois
commencent à travailler pour eux-mêmes le 6 juillet : avant
ils ont payés des impôts et taxes, ils ne travaillaient donc
pas pour eux-mêmes comme s'ils ne recevaient aucun service de
l'État en échange de l'impôt.
7- " Il faut s'adapter ! " C'est une necessité
", lance Bouchard en ouvrant le Sommet ", Le
Devoir, 30 octobre 1996. " Le coût des programmes
sociaux, Bouchard veut aligner le Québec sur l'Ontario et les
États-Unis, Le Devoir, 9 mars 1996.
8- Les prêteurs, Ce sont les agences de crédit et les prêteurs
au gouvernement qui lui dictent sa politique fiscale et budgétaire,
a reconnu hier Bernard Landry. " Le Journal de Montréal,
29 octobre 1997.
9- TISON, Marie, " 2,9 millions versés à trois
entreprises, Québec continue d'appuyer les centres d'appels
", Le Devoir, 21 sept. 1999.
10- BRETON, Gaétan, BLAIN, Jean-François, Les mauvais coûts
d'Hydro-Québec, Éditions Nota Bene, 1999.
11- Comité des droits économiques, sociaux et culturels de
l'ONU, Pauvreté et respect des droits : Le Canada et le Québec
au banc des accusés, mars 1999. Voir la réaction "
Louise Harel accueille fraîchement le rapport d'un comité de
l'ONU ", Le Devoir, 8 déc. 1998.
12- BERGER, François, " Au tour des fonctionnaires de goûter
aux compressions d'Emploi-Québec ". La Presse, 24
sept. 1999.
13- LACHARITÉ, Manon, MICHAUD, Éric, " Hydro-Québec, La
Régie de l'énergie paralysée, la valse-hésitation du
gouvernement risque de confiner l'organisme à un simple rôle
d'observation et de sanctionnement a posteriori. " Le
Devoir, 22 sept. 1999.
14- BISSON, Bruno, " Bégin révoque le permis de Boralex,
la construction d'une petite centrale sur la Batiscan fera
l'objet d'un nouvel examen ", La Presse, 24 sept.
1999.
15- FRANCOEUR, Louis-Gilles, Environnement, " Bisbille sur
fond de déréglementation. ", Le Devoir, 1er mars
1998. De même à Montréal GRUDA, Agnès, " Danse avec les
promoteurs ", Le Devoir, 18 mars 1999.
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