Forum de discussion

Articles et Études sur les réalités canadiennes.


La pauvreté en héritage


« Naître égaux, on repassera. Ils n'ont pas autant de chances qu'avec la famille qui a toutes les possibilités. »
- Pauline Locas, Carrefour familial, Hochelaga-Maisonneuve

« En tant que nation, affirmons aujourd'hui qu'avant le début du 20e siècle, la pauvreté des enfants sera une relique du passé »
- Ed Broadbent, alors chef du Nouveau Parti démocrate, lors de la résolution antipauvreté déposée aux Communes, en novembre 1989

Il y a 11 ans, les députés de la Chambre des communes avaient unanimement adopté la résolution présentée par Ed Broadbent dans le but d'éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. Voeux pieux ? À peine 14 mois plus tard, seulement une dizaine de députés assistait aux comités sur la pauvreté. Les élus se sont par ailleurs révélés incapables de tenir leur promesse. À cette époque, 15,3 % des enfants étaient pauvres. Aujourd'hui, certaines enquêtes démontrent qu'il y en a 50 % de plus. Sur les quelque 1,5 million d'enfants pauvres au pays, 250 000 dépendent de la charité pour manger à leur faim.

Le Canada fait piètre figure au chapitre de la pauvreté des enfants. Selon une étude de l'UNICEF, sur les 23 pays les plus riches, le pays se classe au 17e rang.

« Ça fait peur de réaliser que tu vis dans un pays, dans une province ou une ville ou toi, t'acceptes que l'autre à côté mange pas. »
- Richard Boissonneault, ancien prestataire de l'aide sociale

Quelques chiffres concernant les enfants pauvres:
- 1 enfant sur 2 a une santé fragile
- 1 enfant sur 2 vit avec un fumeur
- 1 enfant sur 4 vit avec un parent dépressif
- 1 enfant sur 3 habite un logement malsain
- 2 enfants sur 5 accusent un retard de développement du langage
- il y a 3 fois plus de délinquance parmi les enfants pauvres

Derrière ces statistiques inquiétantes, il y a souvent de véritables souffrances, que les groupes communautaires tentent d'apaiser, avec des ressources financières souvent limitées. Retards de développement, problèmes respiratoires et santé fragile, séjours en familles d'accueil, logement insalubre, décrochage scolaire, problèmes de santé mentale des parents, stress, désespoir, abus sexuels, violence verbale ou physique, autant de situations auxquelles sont davantage confrontés les enfants pauvres que les autres.

Au Québec, le nombre d'enfants dont les parents dépendent de l'aide sociale a augmenté de 50 % au cours des années 1990.

« J'aimerais mieux travailler au salaire minimum que d'être sur le bien-être social. Le bien-être social, c'est pas une vie »
- Benoît, 17 ans, dont la mère est bénéficiaire de l'aide sociale

Zone libre s'immisce dans un monde sur lequel on préfère souvent fermer les yeux.

Un reportage de la journaliste Madeleine Roy et de la réalisatrice Nicole Tremblay. Images : Sylvain Castonguay, Charles Dumouchel et Normand Latour; son : Claude Beauchemin et Luc Chartrand; montage : André Roch.

Reportage


Hyperliens et numéros de téléphone

Pour obtenir ou offrir de l'aide:

Assistance aux enfants en difficulté
1600, rue Aylwin Montréal,
téléphone: (514) 528-8488
personnes contact : Gilles Julien, pédiatre, et Claudette Everitt, infirmière

La Maisonnette des parents
6623, rue Saint-Dominique Montréal,
téléphone: (514) 272-7507
personnes contact : Soeur Madeleine Gagnon

Le Carrefour familial Hochelaga
téléphone: (514) 523-9283
3575, rue Lafontaine, Montréal
personne contact : Pauline Locas

Centraide

Information sur la pauvreté:

Statistique Canada
(données sur le revenu des familles)

Conseil canadien de développement social
(groupe d'action sociale sans but lucratif: leur site inclut de nombreux rapports, notamment sur le bien-être de l'enfant en fonction du revenu familial, sur la pauvreté dans les régions métropolitaines du Québec, sur les données de base sur la pauvreté au pays)

Campagne 2000
coalition de 70 organismes qui milite pour éliminer la pauvreté infantile

 

L'émission Zone libre est diffusée sur les ondes de Radio-Canada le vendredi à 21 h et en reprise à RDI le samedi à 23 h, le dimanche à 13 h et à 20 h ainsi que le lundi à 2 h.


Le Canada continue de se débattre avec son taux de pauvreté. Cet état, que certains ont désigné comme une honte nationale, influence au premier niveau la capacité actuelle et future du pays à enrayer la criminalité chez les jeunes. La vie sous le seuil de la pauvreté est liée au risque de contact initial et continu avec le système de justice criminelle. En conséquence, toute opportunité réelle de prévention du crime passe par l'amélioration de la situation de ceux qui vivent dans la pauvreté. Les perspectives et les approches canadiennes au problème de la pauvreté ont été critiquées pour la nature et l'étendue de leur contribution à l'entretien de cette problématique pendant des décennies. Faire une différence en ce qui a trait au taux de criminalité des jeunes canadiens implique que ces perspectives et approches soient modifiées dans le but de mieux soutenir ceux qui vivent dans la pauvreté.

  • S'éloigner d'une « définition » de la vraie pauvreté
    Les progrès concertés vers une solution au problème de la pauvreté ont été entravés par ce qui semble être une préoccupation à définir clairement le seuil de la pauvreté. Le besoin de stipuler le seuil monétaire en deçà duquel une famille est ou n'est pas pauvre a consommé des efforts qui auraient été mieux employés à résoudre les vrais problèmes. Fournir à ceux qui ne sont pas en mesure de le faire les ressources, le soutien et l'espoir d'être auto-suffisants et insuffler cette capacité à leurs enfants, voilà ce qui compte; peu importe que la limite soit de $21 000 ou de $30 000 dollars. Voyez comment la pauvreté peut être définie en fonction de critères plus empiriques.
    http://www.ccsd.ca/pr/es_incf.htm.

  • Les mythes et les perceptions erronées au sujet de la pauvreté au Canada
    La tentation de définir le problème de façon simpliste est souvent le résultat de notre besoin de donner un sens à la pauvreté. Les mythes et les perceptions erronées sur lesquels s'appuient nos tentatives d'analyse de cette problématique ont grandement contribué au problème continuel de pauvreté de notre pays. La résolution des problèmes liés à la pauvreté au Canada passe par l'implication d'une multitude de personnes dans plusieurs endroits. Pour s'assurer d'une large coopération de la population canadienne, il est nécessaire de comprendre ces mythes et ces perceptions erronées. Examinez certains des mythes et des perceptions erronées de la pauvreté
    http://www.napo-onap.ca/nf-myth.htm.

  • Les politiques fédérales et provinciales : le présent et l'avenir
    Les politiques fédérales et provinciales récentes ont été mises en place dans le but d'améliorer la situation des familles canadiennes vivant dans la pauvreté. L'augmentation des crédits d'impôt pour les enfants et les alternatives à l'aide sociale fondées sur le travail sont des exemples éminents de politiques conçues pour améliorer la situation financière actuelle et future de certaines familles canadiennes. Les autres facteurs importants de développement du soutien pour ces familles comprennent:

    • Une plus grande concentration sur les mesures pour adultes
      Les politiques fédérales et provinciales mettent souvent l'accent sur les enfants canadiens vivant dans la pauvreté. Il y a plusieurs raisons à cela, en particulier le fait que le public canadien est plus susceptible d'être sympathique et de vouloir souscrire à des mesures allouant des deniers publics à des "enfants" qui ne sont pas perçus comme responsables de leur situation. Toutefois, la réalité veut que si nous ne fournissions pas aux parents des situations plus confortables, les perspectives à long termes pour leurs enfants demeureront presque inchangées et ces mêmes enfants deviendront bientôt les adultes qui auront besoin d'une pareille occasion d'améliorer leur situation.

    • Des alternatives plus abordables axées sur le travail à long terme
      Suite à l'instauration de mesures alternatives axées sur le travail, des questions ont été soulevées en ce qui a trait à la capacité de faire du « travail » le meilleur intérêt des parents peu scolarisés, de leurs enfants et de l'économie canadienne. Étant donné l'augmentation du niveau de compétences exigé sur le marché du travail d'aujourd'hui, une quantité accrue de ressources pourraient être nécessaires pour fournir des occasions d'emploi à ceux de notre société qui y sont le moins préparés. Par exemple, bien que les programmes de préparation à l'emploi offerts en vertu du programme welfare-to-work en Ontario donnent accès à des compétences de travail de base, la demande décroissante de ces mêmes habiletés sur le marché du travail fait que cette solution n'en est en fait pas une. De la même façon, les coûts associés à la requalification ou à l'accès à l'emploi tels que les garderies ou le transport font de l'entrée sur le marché du travail une solution de moins en moins abordable pour les bénéficiaires de l'aide sociale.

    • Éviter les politiques fondées sur la valorisation
      On a émis des réserves quant aux nouvelles politiques fédérales et provinciales fondées sur la valorisation. Toute politique qui minimise la complexité du problème en suggérant que la pauvreté est due au manque de désir ou de capacité à travailler ne fait que créer d'autres perceptions erronées à propos des causes de la pauvreté des canadiens, ce qui ne favorise pas l'implication des citoyens canadiens dans le processus de résolution du problème de la pauvreté au Canada.

Sources documentaires

  • http://www.caledoninst.org
    Consultez les publications du Caledon Institute of Social Policy sur la pauvreté pour avoir plus d'information sur la nature et l'étendue de ce phénomène au Canada et explorez comment nos politiques affectent les familles à faible revenu du Canada.

  • http://www.ccsd.ca/francais/
    Examinez l'information soumise par le Conseil canadien de développement social. Vous y trouverez des liens vers des recherches, services, publications et documents en-ligne, statistiques et informations sur la pauvreté au Canada.

  • http://cpmcnet.columbia.edu/dept/nccp/beyond.html
    Lisez ce texte du United States' National Center for Children in Poverty dans leur rapport intitulé "Beyond Work: Strategies to Promote the Well-Being of Young Children and Families in the Context of Welfare Reform (November 1999)." Identifiez les moyens par lesquels une société peut oeuvrer pour faire une différence au-delà de remettre les gens au travail.


Texte tiré du site: Mon travail en vaut-il la peine?

Nous avons beaucoup entendu parler de la pauvreté des enfants depuis cinq ans. Le bon sens nous dit que si le nombre des enfants pauvres augmente au Canada, le nombre des familles pauvres doit augmenter également.

De 1993 à 1998, près de 3 enfants canadiens sur 10 ont vécu dans la pauvreté pour au moins une année.

Est-ce frappant? OUI.
Est-ce un changement en mieux? NON.

Selon Statistique Canada, le nombre des femmes seules de moins de 65 ans qui vivaient dans la pauvreté au Canada est passé de 350 000 à 503 000 de 1989 à 1998. C'est une augmentation de 44%.

Le nombre des hommes seuls de moins de 65 ans qui étaient pauvres a diminué de 61% pendant la même période.

Les nombreuses coupes pratiquées par les gouvernements dans les programmes sociaux et les services de santé pendant les années 1990 obligent les personnes à faible revenu à dépenser davantage si elles tombent malades (pour payer les médicaments prescrits ou des fournitures médicales telles qu'un fauteuil roulant, de l'oxygène ou même le plâtre posé sur une fracture du bras).

Actuellement, seule 1 sur 3 personnes qui tombent en chômage a droit à des prestations d'a.-c. Combien de personnes ont sombré dans la pauvreté par suite des coupures pratiquées dans l'a.-c.?

De 1993 à 1997, le revenu après impôt que les familles à faible revenu tirent d'un emploi a diminué de 1 300 $.

La principale raison de la diminution est que les prestations d'assurance-chômage (par famille) ont diminué de 1 100 $ et que les prestations d'aide sociale ont diminué de 500 $.


Revenus tirés de l'aide sociale

L'aide sociale (ou assistance sociale ou prestations de bien-être social) est censée assurer des revenus aux personnes qui ne gagnent pas assez pour subvenir à leurs besoins de base.

En fait, les revenus tirés de l'aide sociale partout au Canada maintiennent des enfants, des familles et des individus dans une profonde pauvreté. Par exemple,

  • Les prestations d'aide sociale d'une personne seule qui n'a pas de handicap sont de 1 341 $ par année à Terre-Neuve.

  • En Ontario, la même personne recevrait 6 882 $ par année, ce qui est le montant le plus élevé des prestations d'aide sociale au Canada.

Comment une personne peut-elle se nourrir, se loger et se vêtir à l'aide de ces montants?

Les personnes ayant des handicaps qui touchent des prestations d'aide sociale reçoivent 8 700 $ par année en moyenne. Le coût des nécessités de la vie semble prohibitif pour une personne qui a un tel revenu.

La situation des familles vivant de l'aide sociale est tout aussi sombre.

Le revenu annuel de la famille monoparentale comprenant un enfant varie de 11 328 $ (Manitoba) à 13 704 $ (Ontario).


UN ENFANT PAUVRE A DES PARENTS PAUVRES. 
La situation actuelle de nos enfants n'est que le sommet de l'Iceberg et cela...à tous les niveaux de notre société.

  • Article de LaPresse du lundi 4 novembre 2002

Les conditions de vie des enfants continuent de se détériorer

Gilles Toupin
La Presse
Ottawa

Photothèque La Presse

Rien ne va plus du côté des enfants au Canada: trop d'entre eux demeurent pauvres, connaissent les affres de la faim et leur condition générale, au lieu d'aller en s'améliorant, s'aggrave à une vitesse vertigineuse malgré la reprise de l'économie et la résolution votée à la Chambre des Communes en 1989 d'éradiquer la pauvreté des enfants au pays avant l'an 2000.

La parution aujourd'hui du sixième rapport du Conseil canadien de développement social (CCDS), un organisme national à but non lucratif et respecté pour sa rigueur, trace un triste bilan de la situation des familles au pays. Le document, intitulé Le Progrès des enfants au Canada 2002, et dont La Presse a obtenu copie, révèle en effet qu'environ 75 000 familles avec des enfants de moins de 12 ans n'ont pas eu assez à manger en 1996, dernière année où les données sont disponibles, soit une augmentation de 33% par rapport à 1994.

Depuis ce fameux jour de 1989 où la Chambre des communes a promis de s'attaquer une fois pour toutes à la pauvreté des enfants, celle-ci est passée de 15,2% à 18,5%. Ce taux indique combien d'enfants vivent dans la pauvreté par rapport à l'ensemble des 10 millions d'enfants du Canada. Au Québec seulement, indique le rapport, le taux de pauvreté des enfants est passé de 16,3% qu'il était en 1989 à 21,3% en 1993 et à 21,6% en 1999.

Et rien ne semble indiquer que la situation est sur le point de s'améliorer. Le CCDS souligne d'ailleurs que l'Association canadienne des banques alimentaires a publié un rapport le mois dernier qui montre une augmentation de 12,5% dans le recours aux banques alimentaires du Canada depuis 1996. Cela signifie que plus de 300 000 enfants ont eu recours en mars 2002 à des aliments distribués, représentant près de la moitié de tous les récipiendaires des banques alimentaires.

«Le rapport de cette année du Progrès des enfants, peut-on lire dans l'introduction du document, apporte des preuves irréfutables et croissantes qu'il y a des groupes d'enfants qui sont de plus en plus exclus d'une pleine participation à la société canadienne.»

Non seulement le taux de pauvreté chez les enfants demeure de façon persistante extrêmement élevé, mais «les enfants pauvres sont très pauvres -la profondeur de pauvreté a peu changé au cours des dix dernières années, restant à près de 9000$ sous le seuil de la pauvreté. En fait, la profondeur de la pauvreté pour les enfants les plus pauvres au Canada -ceux dont les parents sont à l'assistance sociale- a bel et bien augmenté.» Et, ce qui est très inquiétant, l'écart entre les familles riches et pauvres ne fait que s'approfondir.

Ce sont évidemment les familles monoparentales qui sont les plus affectées par cette détérioration des conditions de vie des enfants canadiens. «En 1999, indique le rapport, presque tous les enfants de familles monoparentales dirigées par des femmes sans rémunération vivaient dans la pauvreté. Pourquoi? Parce que les prestations d'aide sociale de toutes les provinces sont bien en dessous du seuil de pauvreté.» Et même pour les familles biparentales avec un seul soutien économique, la situation s'est nettement détériorée de 1989 à 1999, puisque le taux de pauvreté de ces enfants est passé de 19,4% à 26,8%.

Du côté de l'écart entre les familles riches et les familles pauvres, là aussi les disparités sont criantes. «En 1999, rappelle le CCDS, les familles appartenant à la tranche de 10% des familles les plus riches possédaient 56% de la totalité de la richesse des familles, une hausse par rapport à 52% en 1984.

«Malgré la relance économique du milieu à la fin des années 1990, beaucoup trop de familles canadiennes et leurs enfants s'en sortent à peine et vivent à la limite du désastre économique, affirme Louise Hanvey, chercheuse au CCDS et auteure du rapport. Le fait qu'autant d'enfants vont à l'école le ventre vide n'est pas la réalité à laquelle on pourrait s'attendre dans un pays du G7 comme le Canada, qui est régulièrement placé parmi les meilleurs pays pour vivre dans le monde.»

Le rapport se penche longuement aussi sur les problèmes d'inclusion sociale qui sont la conséquence de l'extrême pauvreté de ces familles dont les avoirs ont chuté de 51% de 1984 à 1999. Il fait ressortir, chiffres à l'appui, les répercussions négatives de cette pauvreté sur le rendement scolaire, sur le taux des dépressions parentales, sur celui des familles dysfonctionnelles. La difficulté généralisée d'accéder au logement, pour ces familles, et l'absence de ressources communau-taires contribuent également au recul de la santé physique et à celui du bien-être général des enfants.

«Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est l'érosion continue de nos programmes de soutien ou de l'infrastructure sociale sur laquelle les familles à faible revenu avaient l'habitude de compter, commente Marcel Lauzière, le président du CCDS. Exactement comme notre infrastructure matérielle, nos ponts et nos routes, sont en train de s'effondrer, il en va de même pour les piliers principaux de notre infrastructure sociale qui sont essentiels pour que les enfants pauvres aient une véritable qualité de vie.»


Données de base sur la pauvreté au Canada 2000 
Source: Le Conseil canadien de développement social (CCDS)

Faits saillants

19 juillet 2000

Données de base sur la pauvreté au Canada 2000

La pauvreté est une question sociale importante car elle affecte les perspectives de développement des enfants et des adultes. La façon dont une société répartit son revenu est un déterminant fondamental de la cohésion sociale. Les gens laissés en marge économiquement ont aussi tendance à être en marge socialement. Les nombreux effets néfastes de la pauvreté sur le développement des enfants et le bien-être des adultes sont bien documentés.

Mesurer la pauvreté

  • Les choix de seuils de pauvreté s'étalent de ceux qui ne fournissent assez que pour une subsistance physique essentielle (l'approche «absolue») à ceux qui permettent la pleine participation à la société (l'approche «relative»). Il y a plusieurs définitions utilisées de la pauvreté, mais aucune version officielle. Tous les seuils de pauvreté sont basés sur des facteurs subjectifs et leur utilisation dépend de leur crédibilité et de leur acceptation par le public.

  • Pendant plus de 30 ans, le seuil de pauvreté préféré au Canada a correspondu aux Seuils de faible revenu (SFR) de Statistique Canada. Ces seuils sont de loin les plus populaires auprès du public, des analystes et organismes traitant de la pauvreté et des questions de répartition du revenu. Les SFR ne sont pas à l'abri de critiques légitimes, mais les seuils qui s'y opposent ont davantage de défauts et moins d'acceptation. Les SFR ont aussi été approuvés à plusieurs reprises au cours des années dans des sondages d'opinion publique et une recherche empirique a montré que les conséquences les plus négatives du faible revenu commencent à se manifester lorsque le revenu familial s'approche des niveaux de revenu qui correspondent aux SFR.

La pauvreté est en hausse

  • La pauvreté dans les ménages a augmenté au Canada dans le dernier quart de siècle. Le taux de pauvreté des ménages, tel que mesuré par le SFR de Statistique Canada, était plus élevé en 1997 (22,4%) qu'il ne l'était en 1989, 1981 et 1973. Ce qui se traduit par une augmentation de 1,3 million de ménages pauvres depuis 1973.

  • Les revenus moyens des ménages, avant et après les transferts et les impôts, ne se sont pas remis de la récession du début des années 1990. Les revenus moyens des ménages en 1997 étaient inférieurs à ceux de 1981. De plus, la répartition du revenu est devenue plus polarisée entre les ménages à faible revenu et à revenu élevé. Les groupes de la classe moyenne ont aussi subi une diminution de leur portion du revenu du marché et du revenu disponible.

Le taux de pauvreté des personnes âgées a diminué

  • Même s'il y a encore trop de personnes âgées dans la pauvreté au Canada, leur taux de pauvreté a continué à baisser de 1981 à 1997. Le taux de pauvreté dans les ménages du troisième âge a baissé de 7,2 points de pourcentage de 1981 à 1989 et de 1,8 point de pourcentage de plus de 1989 à 1997. Par contre, le taux de pauvreté dans les ménages de la population active a augmenté de 6,3 points de pourcentage au cours de cette période.

  • Bien que les auteurs se réjouissent de la baisse du taux de pauvreté dans les ménages du troisième âge, il faut y mettre deux réserves :

    • Malgré les avances, le taux de pauvreté chez les personnes âgées vivant seules reste élevé, à 45 % en 1997. De plus, le taux de pauvreté dans les ménages du troisième âge a une inégalité prononcée selon les sexes. En 1997, 49,1% des femmes âgées vivant seules étaient dans la pauvreté, par rapport à 33,3% des hommes âgés.

    • Plusieurs ménages du troisième âge ne sont qu'à peine passés au-dessus du seuil de pauvreté au moyen d'une série de prestations fédérales aux personnes âgées. Il ne faut donc pas déduire des chiffres améliorés que les personnes âgées vivent très confortablement. En fait, une grande partie des non pauvres sont proches de la pauvreté.

Les jeunes familles sont plus susceptibles d'être pauvres

  • La pauvreté a augmenté énormément dans les jeunes familles. En 1981, une jeune famille (où l'adulte le plus âgé a moins de 25 ans) avait un risque de 21,7% d'être pauvre; à partir de 1997, ce risque avait plus que doublé, en passant à 46,1%. Les taux de pauvreté des jeunes familles du groupe d'âge suivant est plus élevé aussi : parmi celles de 25 à 34 ans, le taux de pauvreté est passé de 12% en 1981 à 18,9% en 1997.

La répartition régionale et provinciale de la pauvreté a changé

  • En 1981, 12,3% de toutes les familles pauvres au Canada vivaient dans les provinces de l'Atlantique, mais cette proportion a baissé à 8,8% en 1997. En Alberta et en Colombie-Britannique, pendant la même période, la proportion de toutes les familles pauvres a augmenté, pour passer de 14,8% à 20,9%. Une grande partie de ce changement s'est effectué dans les années 1980. Dans les années 1990, la proportion de familles pauvres s'est accrue le plus en Ontario : une augmentation de 7,2 points de pourcentage.

  • À l'exception de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, le taux de pauvreté des provinces était resté stable ou avait baissé de 1981 à 1989. Dans les années 1990, cependant, cette tendance s'est renversée et plusieurs provinces ont vu une augmentation de leur taux de pauvreté. En 1989, par exemple, l'Ontario avait le plus bas taux de pauvreté familiale, par une marge importante, à 8,2%. En 1997, le taux avait grimpé à 12,6%, une augmentation de plus de 50%.

La vulnérabilité des enfants et des mères seules a augmenté

  • La pauvreté affecte le plus lourdement les enfants, qui sont les membres les plus vulnérables de la société et les moins capables de se défendre. Le taux de pauvreté chez les enfants a augmenté de 14,9% en 1981 à 19,9% en 1997. En 1997, il y avait 1,4 million d'enfants pauvres au Canada. Bien que plus de la moitié (54,6%) de tous les enfants pauvres vivent en famille biparentale, on voit grandir la tendance à plus d'enfants en famille monoparentale. En 1981, 32,8% de tous les enfants pauvres vivaient en famille monoparentale; à partir de1997, ce chiffre était passé à 43,2%.

  • Les circonstances exceptionnelles des mères monoparentales doivent être soulignées. Dans ces familles, le taux de pauvreté était de 53,5% en 1981. Au cours de la décennie suivante, le taux de pauvreté a oscillé de 55% à 60%, reflétant les hauts et les bas du cycle économique. En 1997, il se situait à 56,0%, tandis que la proportion de tous les ménages pauvres composée de mères monoparentales avait augmenté à 28,4%, par rapport aux 22,5% de 1981.

Les groupes minoritaires ont des taux de pauvreté plus élevés

  • On constate certains des taux les plus élevés de pauvreté chez les Autochtones, les membres d'une minorité visible et les personnes handicapées. Selon le Recensement de 1996, 43,4% des Autochtones, 35,9% des minorités visibles et 30,8% des personnes handicapées étaient pauvres en 1995. Ces taux étaient considérablement plus élevés que la moyenne nationale.

Le marché n'a pas réussi à produire des revenus suffisants

  • Les taux croissants de pauvreté dans les ménages de la population active reflètent en grande partie l'échec du revenu sur le marché de fournir des salaires suffisants à tous les ménages canadiens. Le nombre de ménages de travailleurs pauvres, ceux où un salarié ou plus ont été employés pendant au moins 49 semaines par an, a augmenté nettement de 1981 à 1997.

  • En ne tenant compte que des revenus du marché, près de 1,6 million de familles de la population active au Canada auraient été pauvres en 1997, par rapport à 1,1 million de familles en tenant compte des transferts gouvernementaux. Le taux de pauvreté sur le marché a augmenté, de 14,7% en 1981 à 21,9% en 1997.

  • Des taux plus élevés de pauvreté sur le marché mettent en relief les résultats inférieurs des gains d'emploi. Les familles ont fait face en mettant plus de personnes sur le marché du travail. Parmi les ménages de la population active, le nombre de salariés différencie de plus en plus les ménages pauvres des ménages non pauvres. En 1997, parmi les ménages pauvres de deux adultes seulement 18,6% comprenaient deux salariés, par rapport à 67,0% des ménages non pauvres de deux adultes.

    Le revenu des conjointes continue à jouer un rôle décisif pour la subsistance des familles. En 1997, les femmes dans les familles non pauvres étaient près de cinq fois plus susceptibles d'avoir travaillé à temps plein toute l'année que les femmes de familles pauvres (47,2% par rapport à 9,9%). Mais ce n'est pas seulement l'emploi des femmes qui sépare les pauvres des non pauvres.

    De plus en plus, l'activité d'emploi des hommes différencie les couples pauvres des couples non pauvres. Parmi les couples pauvres, seulement 29,1% des hommes avaient un emploi à temps plein toute l'année, par rapport à 77,5% des hommes dans les couples non pauvres.

L'éducation est encore un élément clé pour échapper à la pauvreté

  • En même temps que le nombre de salariés, le niveau scolaire est un facteur important pour différencier les ménages pauvres des ménages non pauvres. Plus le niveau d'éducation est élevé, moins il y a de probabilité d'avoir un faible revenu. Cela se vérifiait autant en 1981 qu'aujourd'hui. En 1997, seulement 7,7% des familles comprenant un diplômé universitaire étaient pauvres, par rapport à 20,5% des familles dans lesquelles le plus haut niveau d'éducation des adultes n'allait pas plus haut que le secondaire 3. Il faut cependant remarquer qu'au cours des années, la proportion de pauvres qui ont des niveaux de scolarité plus élevés a augmenté : la part de familles pauvres où quelqu'un a un certificat, une licence ou un diplôme postsecondaire a plus que doublé, de 13,5% en 1981 à 32,6% en 1997.

Les pauvres s'enfoncent davantage au-dessous du SFR

  • La profondeur de la pauvreté - soit à combien au-dessous du seuil de pauvreté le revenu total d'une personne pauvre tombe - a augmenté considérablement. De 1981 à 1997, l'écart de pauvreté pour tous les ménages pauvres à presque doublé (86,4%). En ne tenant compte que du revenu du marché, l'écart de pauvreté sur le marché s'est accru de 96,0% dans la même période, représentant une augmentation de 27,3 milliards de dollars.

  • Les ménages de la population active, en particulier, ont subi les plus fortes difficultés économiques. Leur écart de pauvreté sur le marché s'est accru de 113% et leur écart total de pauvreté (revenu du marché et de transferts combinés) s'est accru de 106,1%. Les plus grandes hausses se sont déroulées dans la période de 1989 à 1997. Si les transferts gouvernementaux n'avaient pas augmenté de 1981 à 1997, l'écart de pauvreté aurait été beaucoup plus élevé.

La durée de la pauvreté varie selon divers groupes

  • Le pourcentage de personnes pauvres qui se retrouvent dans la pauvreté une année mais en échappent l'année suivante est variable. Pour en gros 60%, la pauvreté n'est qu'une situation temporaire, tandis que c'est un problème persistant pour les autres 40%. En moyenne, une personne pauvre passera environ cinq ans dans la pauvreté en comptant les périodes uniques ou à répétition, tandis que 5% resteront dans la pauvreté pour 10 ans ou plus.

  • Certains groupes sont plus vulnérables à de longues périodes de pauvreté. Parmi ceux-ci se trouvent les familles monoparentales, les personnes handicapées, les personnes appartenant à une minorité visible, les immigrants récents, les personnes avec un faible niveau scolaire et les personnes vivant seules. Le plus longtemps quelqu'un reste dans la pauvreté, le plus difficile il est d'y échapper.

Les transferts gouvernementaux ont une importance croissante

  • Les transferts gouvernementaux en sont arrivés à jouer un rôle de plus en plus important dans le soutien des ménages à faible revenu. L'échec du marché du travail à fournir des débouchés d'emploi et des salaires suffisants à un grand nombre de personnes a fait ressortir l'importance du système de sécurité du revenu au Canada. Les ménages des deux quintiles du bas - avec des revenus du marché inférieurs à 23 473 $ - n'ont reçu que 7,9% du revenu du marché mais 64,9% de tous les revenus de transferts en 1997.

  • Le recours aux transferts gouvernementaux a augmenté au fil des ans. En 1981, les transferts représentaient 38,2% du revenu total des ménages dans les plus bas quintiles de revenu; à partir de 1997, les transferts représentaient jusqu'à 90% du revenu total de ces ménages.

  • Les prestations de divers programmes de sécurité du revenu sont réparties différemment parmi différents groupes de la population. Le programme très ciblé de la Prestation fiscale pour enfants a versé 64,9% de ses prestations aux 40% des familles avec enfants au bas de l'échelle des revenus en 1997. Le régime de prestations pour les personnes âgées avait un effet de redistribution plus modeste : 46,6% des prestations de la SV/SRG/AC ont été versés aux 40% des ménages âgés au bas de l'échelle des revenus en 1997.

  • Les programmes d'assurance sociale à base de cotisation ont tendance à bénéficier aux ménages de la classe moyenne. Le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec versent 31,2% des prestations aux 40% des personnes âgées les plus pauvres, ce qui reflète les antécédents d'inégalité des revenus des retraités. Le régime d'Assurance-emploi est le plus neutre dans son application sur la répartition des revenus des ménages de la population active; chaque quintile a touché une portion équivalente en gros des prestations du régime.

Les résultats de la lutte contre la pauvreté au Canada restent médiocres

  • Les taux de pauvreté au Canada sont élevés par rapport à ceux de plusieurs autres pays industrialisés, malgré une réduction du taux général de pauvreté au fil des ans. Le taux général de pauvreté au Canada - la proportion de la population vivant sur un revenu disponible égal à 50% ou moins du revenu médian - a baissé pour passer de 12,5% à la fin des années 1970 à 10,6% au milieu des années1990. En grande partie, la baisse du taux général de pauvreté est liée à l'amélioration de la situation économique des personnes du troisième âge.

  • Des taux élevés de pauvreté chez les enfants et la population active ont freiné la diminution des taux de pauvreté au Canada. Au milieu des années 1990, selon une mesure internationale standardisée, 13,9% des enfants vivaient dans la pauvreté au Canada. Les enfants aux États-Unis avaient beaucoup plus de probabilité de vivre dans la pauvreté (22,7%) que dans les autres pays industrialisés, tandis qu'en Suède les enfants y avaient le moins de probabilité (2,7%).

  • Parmi les ménages de la population active avec des enfants dans 12 pays industrialisés, le taux de pauvreté du Canada se place très haut dans plusieurs catégories. Par exemple : dans ces ménages, le taux de pauvreté au Canada arrive en seconde place pour les familles biparentales sans salarié; en troisième place pour les familles monoparentales; et en quatrième place pour les familles biparentales avec un ou deux salariés.

  • Les transferts de revenus et la politique fiscale ont des répercussions importantes sur le taux de pauvreté d'un pays. Dans tous les pays, le régime fiscal et les transferts réduisent le taux de pauvreté basé sur les seuls revenus du marché. Parmi les pays industrialisés, les soutiens du revenu pour les personnes âgées au Canada, ainsi qu'en Suède, aux Pays-Bas, en Norvège et en Italie - entraînent une réduction notoire de la pauvreté.

    Par contre le Canada, comme certains pays anglophones, offre en comparaison peu de soutien pour les enfants et les adultes de la population active, selon la mesure de réduction des taux de pauvreté. Des pays avec des taux élevés de pauvreté du marché, comme le Canada, ont tendance à avoir des taux plus bas de réduction de la pauvreté.

    Pour en savoir plus:

    Données de base sur la pauvreté au Canada 2000
    Photo

    par David P. Ross, Katherine Scott et Peter Smith, 2000, 175 pages, No. 558, 35 $

    Une composante essentielle de la tâche du CCDS depuis plus de 25 ans sur la pauvreté au Canada. Cette nouvelle édition de l'ouvrage du CCDS faisant autorité en matière de pauvreté fournira aux chercheurs, aux analystes de politique sociale et aux décideurs les statistiques les plus complètes actuellement disponibles sur les pauvres au Canada.

    Contenu :

    Contact média :
    Agent de communications du CCDS
    Tél. : 613-236-8977, p. 228
    Fax : 613-236-2750
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  • Extrait du Réseau Canadien pour La Pauvreté des Femmes

Une réalité inadmissible : la pauvreté au Canada enfin dénoncée

par Jacquie Ackerly

Pendant des années, on a fermé les yeux sur la triste vérité de la pauvreté au Canada. Les militantes et militants anti-pauvreté ont fait des représentations à tous les paliers de gouvernement et on ne les a tout simplement pas écoutés. Puis ils se sont rendus à l'Organisation des Nations Unies à Genève, en des lieux où le faste transpire de chaque mur de marbre, et ont enfin été entendus.

Il nous apparaît évident, à nous qui travaillons contre la pauvreté depuis maintenant plus d'une décennie, que nos gouvernements, que ce soit au palier fédéral, provincial ou territorial, n'ont pas seulement cessé de travailler à assurer les pleins droits économiques pour tous les citoyens, mais sont en fait occupés à démanteler le filet de sécurité sociale au pays.

 

Les droits garantis par le défunt Régime d'assistance publique du Canada incluaient:

  • le droit à des prestations d'aide sociale suffisantes en cas de besoin
  • le droit de ne pas avoir à travailler pour obtenir des prestations
  • le droit d'en appeler d'une décision concernant son dossier d'aide sociale

 

Nous ne sommes pas restés silencieux.

Nous avons rencontré des représentants des gouvernements; nous avons présenté d'innombrables propositions à ces derniers, publié des lettres dans les journaux, tenu des conférences de presse et organisé des manifestations.

Le démantèlement se poursuit; on jette le discrédit sur nous en mettant en doute nos intentions, en disant que nous sommes mal informés et ne sommes qu'un groupe d'intérêt parmi d'autres. Pendant ce temps, le nombre de sans-abris augmente partout autour de nous.

Il y a maintenant plus de banques alimentaires que de restaurants McDonald; un enfant sur cinq vit dans la pauvreté.

Je me suis rendue à Genève afin de présenter un dossier devant un comité de l'ONU au nom de l'Organisation nationale anti-pauvreté (ONAP), tout comme les représentants de huit autres organismes non-gouvernementaux canadiens.

Dans mon rapport à l'ONU, j'ai fait état entre autres de questions telles que l'élimination du Régime d'assistance publique du Canada, la hausse des frais de scolarité et le pillage des fonds de l'assurance-emploi. J'ai aussi parlé de l'absence de droits humains destinés à protéger les pauvres, ainsi que de l'attitude tolérante du gouvernement envers ceux qui dénigrent les pauvres.

Les autres Canadiens présents ont parlé des conditions dans lesquelles vivent les populations autochtones, du traitement des réfugiés, de la situation des sans-abris et des répercussions qu'entraînent les accords de commerce international tels que l'AMI et l'ALENA sur la capacité du Canada à mettre sur pied des programmes sociaux.

"Vouloir éliminer le déficit budgétaire est une chose, mais y arriver par la voie d'une réforme préjudiciable et inhumaine comme celle qui se déroule présentement en est une autre", a commenté Mahmoud Ahmed, membre du comité, lorsque les représentants du gouvernement canadien ont fait valoir que c'était la lutte au déficit qui expliquait les compressions dans les programmes sociaux tels que la santé et l'éducation.

"Le Canada est reconnu comme étant un des pays les plus riches au monde, un pays qui de surcroît est membre du G-7; alors pourquoi faire souffrir tant de gens inutilement?"

Les membres du comité ont également fait subir un interrogatoire serré aux représentants du gouvernement canadien, portant sur l'annulation du Régime d'assistance publique du Canada et sur l'élimination des droits qui y étaient associés.

Après qu'ils eurent maintes fois répété que le Régime d'assistance publique n'avait jamais garanti quelque droit que ce soit, une autre membre du comité onusien, Virginia Dan-Dan, s'est fondé sur des rapports faisant la preuve contraire pour demander aux représentants du gouvernement canadien : "Est-ce que vous mentiez alors, ou est-ce maintenant que vous mentez?"

Nous avions peine à rester coits en écoutant les représentants du gouvernement éviter de répondre aux questions qui leur étaient posées, donner des réponses fallacieuses et s'expliquer en avançant que "des études étaient en voie d'être réalisées" et que "des négotiations étaient en cours". Nous avons cependant éprouvé une grande satisfaction à la suite de cette expérience, lorsque les conclusions du comité ont été rendues publiques au début du mois de décembre dernier.

Jacquie Ackerly est deuxième vice-présidente de l'Organisation nationale anti-pauvreté.

Organisation nationale anti-pauvreté
325 rue Dalhousie, bureau 440
Ottawa (Ontario) K1N 7G2 Canada
Tél.: (613) 789-0096
Téléc.: (613) 789-0141
www.mapo-onap.ca

Le comité de l'Organisation des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels a publié un rapport décapant dénonçant la conduite du gouvernement canadien au cours des cinq dernières années; il précisait que ce dernier n'avait pas veillé à ce que les droits économiques et sociaux des Canadiennes et Canadiens soient respectés, droits garantis par une convention de l'ONU dont le Canada est un des pays signataires.

Le rapport du comité trace le portrait d'un pays qui ne voit pas au bien-être des citoyens vivant au bas de l'échelle et souligne qu'une situation de "crise" prévaut en ce qui concerne les sans-abris, la montée en flèche de la demande auprès des banques alimentaires, les compressions majeures dans les prestations d'aide sociale et le financement insuffisant des centres d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale.

Le comité a également fortement critiqué le gouvernement fédéral de ne pas avoir donné suite au rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones.

D'après le Canadian Wire Services


 «Quel est le coût de la pauvreté zéro au Québec?»

 

par Michel Bernard

Il est possible de calculer le montant de revenu annuel supplémentaire nécessaire au Québec pour éliminer la pauvreté au Québec.

Il est possible de calculer le montant de revenu annuel supplémentaire nécessaire au Québec pour éliminer la pauvreté au Québec.

1) On sait que selon le Conseil National du bien-être social, il aurait fallu 18,6 milliards de revenus annuels en plus en 1997 au Canada pour que personne ne soit sous le seuil de pauvreté (1). La définition du seuil de pauvreté est calculé selon les niveaux de revenu brut à partir desquels les dépenses de nourriture, logement et vêtements représentent une part disproportionnée des dépenses des ménages. La famille moyenne dépense 36,2% de son revenu brut en nourriture, vêtement et logement : les pauvres sont ceux qui dépensent plus de 56,2% à ces mêmes dépenses Par exemple, le seuil de pauvreté est de 16 320$ pour une personne seule et de 32 377$ pour une famille de quatre vivant en ville (2).

2) On sait que le Québec compte 1 472 000 pauvres alors que le Canada en compte 5 121 000 ; cela signifie que 19,5% des pauvres vivent au Québec (1 472 000 5 121 000). Comme 19,5% des pauvres viennent du Québec, cela signifie que quelque 3,6 milliards par année (18,6 milliards x 19,5%) serait l'ordre de grandeur du montant nécessaire à la pauvreté zéro au Québec.

Évidemment, ce calcul n'est pas parfait car rien n'assure que le degré de pauvreté n'est pas plus prononcé au Québec (c'est à dire que les pauvres du Québec sont plus loin sous le seuil que les pauvres des autres provinces) ou qu'il en coûterait plus cher pour sortir quelqu'un de la pauvreté au Québec. Toutefois, c'est un ordre grandeur. Ce calcul est important, car il donne un aperçu du coût brut du revenu de citoyenneté en supplément des programmes actuels. En réalité, le coût net revenu de citoyenneté et la pauvreté zéro serait beaucoup moins car il faut soustraire les effets de la formidable croissance économique dans les biens essentiels et la chute des coûts sociaux que cela entraînerait : l'opération entraînerait probablement un surplus pour ceux qui savent calculer et qui voient plus loin que les comptes courants (3). Donc, si le but du revenu de citoyenneté est la pauvreté zéro, alors c'est environ 3,6 milliards de revenus supplémentaires dirigés vers les pauvres à chaque année qu'il faudrait au Québec.

Voici ce que coûterait la pauvreté zéro pour chacun des groupes sociaux toujours en tenant compte du fait que 19,5% des pauvres viennent du Québec :

Coût de la pauvreté zéro pour des groupes ciblés

 
 

Au Canada

Au Québec

Hommes âgés de moins de 65 ans

4 milliards

780 millions

Couples âgés de moins de 65 ans - Avec des enfants de moins de 18 ans

3,7 milliards

721 millions

Femmes seules âgées de moins de 65 ans

3,2 milliards

624 millions

Mères seules âgées de moins de 65 ans - Avec enfants de moins de 18 ans

3,2 milliards

624 millions

Couples âgés de moins de 65 ans sans - Enfants de moins de 18 ans

1,5 milliard

293 millions

Femmes seules âgées de 65 ans et plus

875 millions

171 millions

Couples âgés de 65 ans et plus

230 millions

45 millions

Hommes seuls âgés de 65 ans et plus

201 millions

39 millions

Autres

1,7 milliard

332 millions

Total

18,6 milliards

3,6 milliards

Autres données :

Globales

En 1997, le taux de pauvreté était de 17,2% au Canada ( 5 121 000 pauvres sur une population de 29 846 000) (4), 19,6% des enfants sont pauvres (1 384 000 pauvres sur 7 053 000) (5) et 17% des personnes âgées sont pauvres (602 000 pauvres sur 3 545 000) (6). Au Québec il y avait 1 472 000 pauvres soit 20,1% de la population (7).

Femmes
Les plus " badluckées " sont les mères seules. Le taux de pauvreté des mères seules est de 57,1%, il est de 42% chez les femmes seules de 65 ans et plus et de 38,5% chez les femmes seules de moins de 65 ans vient ensuite les hommes seuls avec un taux de 33,4% (8). Les femmes sont plus pauvres que les hommes ; chez les 18 à 24 ans 26,6% des femmes sont pauvres tandis que 20,2% des hommes sont pauvres. Chez les 75 à 84 ans, 25,4% des femmes sont pauvres contre 10,7% pour les hommes. Il est scandaleux de constater que 30,2% des femmes de 85 ans et plus vivent dans la pauvreté (9). Une chance que l'argent ne fait pas le bonheurLes jeunes et les personnes âgées sont plus pauvres que les autres citoyens.

Working poors :

Voici une donnée importante : l'écart entre le taux de pauvreté et le taux de chômage qui était de 3 à 5% depuis vingt ans a dépassé 6% de 1996 à 1997 ce qui prouve que le travail sort de moins en moins le monde de la pauvreté. La différence était de 7% en 1997 (10). Environ 55% des pauvres sont des " working poors ", 21% des chefs de familles pauvres avaient un emploi à temps plein et 35% à temps partiel (11) (pauvres avec travail, ils ne gâchent pas nos belles statistiques de chômage). Vingt et un pour cent des couples pauvres avaient réussi à accumuler à deux de 49 à 52 semaines de travail.

Le travail partiel est insuffisant : les personnes seules qui ont réussi à obtenir de 20 à 29 semaines de travail en 1997 subissent un taux de pauvreté moyen de 51,5%. Les couples qui ont accumulé à deux de 40 à 48 semaines de travail sont demeurés pauvres à 30,3%.

Familles monoparentales :

Il y avait 596 000 mères seules en tout au Canada et le taux de pauvreté y était de 57,1%. Il y a donc 340 000 mères seules pauvres au Canada 12(.

Les jeunes familles sont frappées durement : le taux de pauvreté est de 80,2 % dans une famille ayant une femme seule à sa tête et comptant deux enfants de moins de 7 ans. Les mères seules de moins de 25 ans sont pauvres à 93,3%. Les jeunes couples de moins de 25 ans sont pauvres à 34% ; encourageant de faire des enfants... (13)

Enfants :
Le taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans est de 19,6% au Canada et 20,9% au Québec. Il y avait 1384 000 enfants pauvres au Canada sur un total de 7 053 000 enfants et 343 000 enfants pauvres au Québec en 1997 (14).

Le taux de pauvreté est de 60,5% au Canada pour les enfants de moins de 18 ans élevés par une mère seule (571 000 enfants pauvres dans ces ménages). Il est de 61,1% au Québec (148 000 enfants pauvres dans ces ménages)

Degré de pauvreté.
La sévérité de la pauvreté se mesure par l'écart du revenu par rapport au seuil de pauvreté. Les pires parmi les pauvres sont les hommes seuls de moins de 65 ans qui ne recueillent en moyenne que 54% du seuil de pauvreté. Ils sont suivis de près par les femmes seules qui ne recueillent en moyenne que 55% du seuil. On sait que le taux de pauvreté des mères seules pauvres est de 57,1% ; en plus, ces mères seules pauvres ne récoltaient en moyenne que 61% du seuil, leur pauvreté est sévère.

 
 
Taux de pauvreté
(% du groupe)
Gravité de la pauvreté
(% du seuil)
Hommes seuls âgés de moins de 65 ans

33,4%

54%

Couples âgés de moins de 65 ans avec des enfants de moins de 18 ans

11,9%

67 %

Femmes seules âgées de moins de 65 ans

38,5%

55%

Mères seules âgées de moins de 65 ans avec enfants de moins de 18 ans

57,1%

61%

Couples âgés de moins de 65 ans sans enfants de moins de 18 ans

10,9 %

61%

Femmes seules âgées de 65 ans et plus

42 %

84%

Couples âgés de 65 ans et plus

7%

83%

Hommes seuls âgés de 65 ans et plus

27,2%

82%

Autrement dit, il y a " seulement " 33,4% des hommes seuls qui sont pauvres, mais ceux qui sont pauvres le sont sévèrement car ils ne récoltent en moyenne que 54% du seuil de pauvreté.

1- CONSEIL NATIONAL DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, Profil de la pauvreté, 1997.p. 61
2- CONSEIL NATIONAL DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, Profil de la pauvreté, 1997.
3- BERNARD, Michel, CHARTRAND, Michel, Manifeste pour un revenu de citoyenneté, Éditions du ReNouveau Message Québécois, chpt 2.
4- Idem, p. 12
5- Idem, p. 14
6- Idem, p. 16
7- Idem, p. 25
8- Idem, p. 39
9- Idem, p. 40
10- Idem, p. 15
11- Idem, p. 90 et p. 69
12- Idem, p. 20
13- Idem, p. 42
14- Idem, p. 95

 «Comme une grosse secte: la pensée unique au Québec»

 

par Michel Bernard

La pensée est devenue tellement unidimensionnelle ces dernières années au Québec que l'image qui me vient à l'esprit est celle d'une vaste secte avec ses dogmes, ses textes sacrés, ses transcendances, ses adeptes obnubilés.


DES dogmes comme l'ordre spontané du marché, la supériorité présumée du secteur privé, la justice immanente du marché, l'exaltation de la concurrence, la compression des dépenses publiques, l'idée que le laisser-faire crée un ordre et la déréglementation, la défiscalisation qui s'ensuivent, l'inutilité de l'État et des fonctionnaires accompagnée d'une apologie des entrepreneurs, l'impossibilité de la planification, l'inévitabilité de la précarité de l'emploi, l'anti-syndicalisme, l'idéologie de la technologie et l'informatisation à outrance, l'envahissement par la publicité, etc. La secte sacralise des mots-clés à répéter comme autant d'incantations : mondialisation, fusion, libre-échange, concurrence, déficit zéro, idéologie de la croissance à l'infini, privatisation, virage ambulatoire, rationalisation, subventions, partenariat, télé-marketing, travailleur " autonome ", etc.

La fausse libération.
La modernité prétend avoir libéré l'individu des transcendances, des au-delà. Nous y sommes plus que jamais, car l'ordre spontané du marché est justement une métaphysique. On prétend nous avoir libérés des systèmes politiques volontaristes, des communistes, des socialistes, des sociaux-démocrates qui voulaient imposer à tous " leur " vision du monde, implanter " leur " définition de la vie bonne par le pouvoir de l'État. Or, justement la soumission à l'idéologie du marché entraîne un mimétisme, une pensée unique acritique qui n'a rien à envier au plus beau temps de Mao. L'impuissance de l'individu a simplement changé de forme. Le discours de la pensée unique définit la précarité et la guerre économique de tous contre tous, comme la condition essentielle de l'homme.

La pensée de la libération de l'individu par rapport à l'État n'a plus sa contrepartie : la critique de la subordination de l'individu au pouvoir dictatorial du capital et des compagnies et de leur seule finalité, la recherche du profit maximal en un minimum de temps au détriment des hommes et de la nature. Le profit à court terme devient la grammaire universelle structurant le sens de toute activité humaine. L'ordre du jour qu'on nous impose, c'est celui des 10% qui détiennent 70% des actifs financiers du genre actions et obligations et celui de l'aristocratie des 1% qui en détiennent 40% (1). L'indice Toronto Stock Exchange a augmenté de 75% de 1995 à 1998. Le capital des compagnies canadiennes a obtenu un rendement de 16,2% en 1997. Pendant ce temps, de 1983 à 1997, les gains hebdomadaires moyens des travailleurs salariés québécois ont chuté de 595$ à 566$ en termes réels.

Évidemment, c'est une vieille règle en communication, plus une opinion semble partagée, plus elle a une force d'attraction et plus facilement le public s'y ralliera. Ceux qui sont indécis ou ceux qui n'ont pas le temps de s'interroger ont un moyen économe de se faire une idée, ils se guident par le nombre de ceux qui semblent partager une opinion. C'est pourquoi, les affairistes veulent contrôler les médias et leur contenu.

Les gourous.
Les médias convoquent toujours les mêmes invités permanents surtout en des périodes cruciales comme les périodes électorales ou lorsque siège des commissions sur la fiscalité, les privatisations, les budgets, etc. On voit alors sortir les associés de Sécor ou de cabinets de comptables comme Côté, Saucier ou Cyrenne, les éditorialistes de droite anti-syndicalistes, anti-nationalistes, anti-État comme Dubuc (2), Picher (3), les vieux libéraux comme Rivest ou Ryan, les administrateurs de compagnies d'assurance comme Castonguay qui prônent la privatisation, les économistes enfermés dans leur paradigme comme Pierre Fortin, ou les économistes de banque comme Bastarache ou Vachon (4), affairistes comme Sirois, les banquiers comme le gros Bérard qui semble être partout, sans parler du Conseil du patronat (5), de l'Alliance des manufacturiers, de tous les présidents de Chambres de commerce, etc.

Tous ces gourous agissent comme un groupe de pression qui veut imposer son acte de foi dans le marché. Les gourous comme ceux du Fraser Institute, font la manchette avec la moindre petite ponte dont les incantations sont répétées sans critique dans les médias, comme leur concept de libération fiscale (6)... La business des sondages est là pour fournir le résultat voulu en tripotant les questions.

 

Un juge suprême infaillible
La doctrine de la secte exige de laisser le marché sanctionner toute activité humaine par son seul critère qui est le profit (profit à court terme d'ailleurs). Évidemment, rien ne prouve que le marché laissé à lui-même conduit à un ordre social mais on ne questionne pas une foi et son paradis. Pourtant, historiquement, le laisser-faire a conduit à la concentration des richesses pour une minorité et à de graves troubles sociaux pour la majorité. Pourquoi devrions-nous maintenant faire confiance aux forces impersonnelles du marché ? Aux États-Unis, depuis la montée du néolibéralisme, la classe moyenne s'est considérablement appauvrie, les pauvres voient leurs filets sociaux tomber et une minorité s'est colossalement enrichie. Les 400 Américains les plus riches se partagent 1000 milliards $ US soit un somme supérieure au PIB de la Chine. Quand les Américains se pètent les brettelles d'une hausse de leur PIB, ils parlent du butin d'une clique de riches et non de l'amélioration du sort de leur 40 millions de pauvres. Le chômage, enfin celui qui est répertorié, est bas mais 20 millions de travailleurs doivent avoir recours aux soupes populaires, tellement leurs revenus sont précaires. Évidemment, pour anesthésier les fidèles, on dira que la pauvreté, les inégalités sont attribuables à la force anonyme et impersonnelle du marché et non au rapport de force du capital. Par prudence toutefois, on prépare un bon gros État police répressif comme celui qui discrètement a conduit 10 millions d'Américains à avoir affaire à la justice, surtout les pauvres, surtout les Noirs.

Dans la secte, l'asservissement, l'acte de foi des adeptes est tel qu'ils ne peuvent plus voir le monde autrement. La secte plâtre les cervelles pour désigner ses ennemis communs : les syndicats qui osent opposer un rapport de force au capital qui osent exiger un sort différent des non syndiqués sans pouvoir du privé, les fonctionnaires boucs émissaires naturels de ceux qui veulent l'État minimal, l'État lui-même qui ose encore réglementer le laisser-faire, l'environnement, le travail. Un pousseux de rondelles qui s'exprime avec peine, un président de compagnie de bière peut gagner autant que 100 professeurs ou 200 infirmières, le coût du pétrole peut monter de 25% en une nuit, les frais bancaires peuvent exploser en choeur, c'est justice, c'est privé, c'est le marché. C'est le marché qui analyse la valeur de ce que chacun a à échanger et il ne se trompe jamais. Surtout, il n'y a pas de collusion chez les banques et les pétrolières ; il n'y en avait pas non plus dans les compagnies pharmaceutiques jusqu'à ce que l'on prouve qu'elles s'entendaient depuis des décennies pour fixer le prix élevé des vitamines

La réflexion par l'imitation
Les péquistes ont volé la droite aux libéraux qui se tassent encore plus à droite. Ceux qui se sont fait élire pour représenter une volonté politique, pour porter nos projets sociaux nous disent : " il faut s'adapter à l'ordre du marché. " Le Québec n'a plus qu'un projet d'imitation. Au sommet de 1996 sur l'emploi, Bouchard a lancé : " il faut s'adapter " ; s'adapter aux États-Unis, à l'Alberta, à l'Ontario (7). Toute une souveraineté pour un peuple. C'est devenu une incantation qu'on a marmonné mille fois depuis ce temps : s'adapter, s'adapter, s'adapter. À quoi pensez-vous que le sommet sur la jeunesse servira ? Un exercice de manipulation.

Bernard Landry (8), qui pourtant vante le fonctionnement spontané de l'économie de marché, qui parle comme un livre d'introduction à l'économie, dit qu'il n'a pas le choix de garrocher l'argent du peuple aux compagnies qui menacent d'aller s'installer ailleurs. C'est bizarre, les cadeaux de l'État, quand ils sont dirigés vers les compagnies, ne troublent pas la merveilleuse sanction de l'excellence par le marché, ils ne détraquent pas alors la machine économique qui est présumée fonctionner seulement si on la laisse faire. Il déclare : " Mais parfois, il faut aider la nature à cause d'une autre loi naturelle, la concurrence. Il y a d'autres villes d'Amérique du Nord qui veulent attirer des centres d'appels (9)", " nous n'avons pas le choix, quand les autres pays cesseront de subventionner les compagnies nous pourrons faire de même ". C'est bizarre aussi qu'il parle de lois de la nature pour des constructions humaines, sans doute pour impressionner les citoyens à bon compte par le recours à une transcendance : la " nature ". Paradoxal cliché, quand on sait ce que le principe du profit éclair fait de la nature Pourquoi ne pas être parmi ceux qui commencent justement à dire non au chantage des compagnies plutôt que d'attendre les initiatives des autres ?

Landry était le premier à vanter la mondialisation et le libre-échange : il semble que la créature échappe aux créateurs. Le libre-échange a renforcé le pouvoir du capital maintenant libre de se livrer au plus offrant au mépris des besoins nationaux. L'aventure de Hyundai, GM, Volvo-Novabus et bien d'autres montrent que les entreprises jouent les États les uns contre les autres, encaissent les subventions et déménagent les emplois ailleurs ensuite. Pourquoi est-ce que les politiciens du Québec ne pourraient pas être autre chose que des imitateurs et des porte-queue du capital ? Le peuple Québécois a un destin : imiter le néolibéralisme américain ou concurrencer la fiscalité ontarienne ; merveilleux, on se sent pousser des ailes !

Les saints des saints
Par contre, le système a ses saints, les entrepreneurs, bienfaiteurs qui utilisent à fond le système, mais qui ne sont responsables évidemment d'aucun de ces effets pervers (la force impersonnelle du marché) crème de l'humanité quelque soit ce qu'ils entreprennent et bien que ce soit entendu qu'ils ne poursuivent que leur enrichissement personnel. La secte a son unité de mesure qui correspond à son idéologie: le succès s'évalue en dollars. Les monopoles autrefois qualifiés de dangereux sont maintenant nos plus chers amis dans la nouvelle religion car ils pourront affronter la mondialisation, et patati et patata, les objets du culte néolibéral sont encensés continuellement.

Au Québec, on a pris l'habitude de nous présenter comme solution universelle à tous les problèmes la remise de toute activité entre les mains d'entrepreneurs privés. Les Partis traditionnels privatisent à petit feu la santé par son sous-financement ; ils veulent faire de la santé et de la maladie humaine des objets de commerce ; de même, ils font de l'éducation progressivement une business en refusant de la financer adéquatement ; les Chaires universitaires financées par la business orientent leurs recherches vers les finalités des compagnies, les bien nantis se paient les écoles privées et demandent des réductions des impôts qui financent le public ; phénomène corrélé et représentatif, on a noté que les institutions d'enseignement sous-financées invitent coke, pepsi, et cie à venir établir des monopoles dans les murs des écoles ; bientôt McDonald distribuera le matériel pédagogique.

Les Nouveau Messagex bérets blancs sonnent à nos portes.
Dernièrement, certaines personnes nous ont alertés à l'effet que les banquiers et les affairistes ploguent leur publicité, leurs produits, jusqu'à des autos sur les scènes de théâtres, quand ils ne siègent pas carrément aux conseils d'administration des institutions sous-financées pour imposer leur esthétique de broche à foin, quand ce n'est pas pour censurer en douce les uvres trop " subversives "; les producteurs privés censurent indirectement les uvres des artistes en fonction de leur critère de rentabilité.

Le PQ privatise sournoisement Hydro-Québec sans mandat (10); il réduit l'aide aux démunis et viole la justice sociale au point que l'ONU met le gouvernement en demeure de changer les choses (11); les politiciens précipitent les jeunes dans les cul-de-sac des programmes d'emplois sous-financés et bidons (12); ils financent avec l'argent du peuple une croissance économique qui ne bénéficient plus qu'aux riches, qu'à une aristocratie du capital (les 10% ci-haut).

Une chance qu'on les a pour nous indiquer la voie du salut.
Le PQ tout comme les libéraux, déréglementent la protection de l'environnement ou réduisent les organismes publics à l'impuissance (13) et ont laissé des affairistes ériger des centrales électriques sur les rivières, au point que ceux-ci sont scandalisés lorsque l'on fait appliquer ce qui reste de lois sur les consultations publiques (14) ; on les laisse raser les forêts, allant même jusqu'à nommer des centimillionnaires comme Jean Coutu à la tête de la réflexion sur l'avenir de notre société (il s'est battu à mort pour continuer de vendre des cigarettes dans ses pharmacies) et des affairistes comme Bernard Lemaire de Cascades, constructeur de barrages, à la présidence d'un comité de déréglementation (15). Il a conclu que le développement du Québec ne devait pas être arrêté par quelques anguilles.

Dominique, nique nique répétait tout simplement
Le dernier gourou convoqué par le PQ, Yvon Cyrenne, un comptable au point de vue archi-réductionniste qui siège sur une commission s'interrogeant sur les finances publiques, qui déblatère gratuitement sur l'État et ses travailleurs, qui vante la fiscalité américaine en cachant ses effets pervers, ses 40 millions de pauvres et ses 40 millions incapables de se payer d'assurance-santé. Il appelle à la privatisation à gogo comme une panacée, il recommande le versement d'argent public à la construction de stades de baseball pour accueillir les millionnaires frappeurs de balles pendant qu'on manque dramatiquement de logements sociaux, (en 1996, 43% des ménages locataires consacraient 30% ou plus de leur revenu brut au loyer, 23% des ménages plus de 50%), il joue les bonhommes sept heures avec l'exode des cerveaux malgré qu'on n'ait pas de données fiables à ce sujet, etc. Il défonce des portes ouvertes en ne faisant que répéter le discours banal de la droite. Ce discours qu'on attribuait il y a quelques années à des républicains du fin fonds du Texas est en train de devenir le discours officiel au Québec. Ailleurs on laisserait ce Cyrenne moisir dans son insignifiance ; c'est un comptable d'un grand cabinet qui veut plaire à ses clients, aux affairistes, ce n'est pas un prophète, il tourne en rond sur sa petite patinoire comptable en fonction d'intérêts strictement individuels. Ici on l'invite à Radio-Canada

Destin des sectes ; l'autodestruction.
Quel est l'ordre du jour ? Installer l'ultralibéralisme, imiter les États-Unis ? Le PQ comme tous les partis, se livre à un affaiblissement de l'État, de nos moyens collectifs d'action et de nos finalités collectives. Si notre État " indépendant " doit devenir un État minimal, une grosse agence Pinkerton vouée au respect intégral de la propriété privée illimitée, à quoi cela peut-il bien servir ? Les hommes d'État du Québec se transforment en micropoliticiens penchant au gré des lobbies des compagnies. Le PQ ne parle plus d'indépendance que par opportunisme électoral, comme sujet de conversation pour combler le vide politique. Son seul discours en est un de justification de recul de l'État. Les moumounes péquistes se plaignaient du fait que des policiers sont venus protester l'arme à la ceinture à leur petit exercice masturbatoire, leur conseil national; la vraie violence ce sont eux qui la pratiquent en construisant une société qui ne prend plus en charge les effets pervers de son mode de collaboration, qui abolit progressivement les recours de ses citoyens en difficulté, qui fait progressivement de l'éducation et de la santé des citoyens l'objet d'une business privée destinée à enrichir une minorité. Une telle société est décadente. La secte nous serine que seul le marché laissé à lui-même entraîne le monde dans la bonne direction. Quand il n'y a plus d'extériorité, plus de discours d'opposition, la bêtise peut aller très loin, on l'a constaté souvent.

1- STANDFORD, Jim, " Vast majority of shares held by élite on well-off families ", The CCPA Monitor, sept 99, vo. 6 no. 4, p. 15
2- Exemples : Une grève de trop, 17 juin 1999 : Anatomie d'une grève stupide, 24 juillet 1999, Déficit québécois, la lutte inachevée 21 mars 1998, Une grève de droite, 1er sept. 1999, etc. etc. etc.
3- Exemples : Les faux seuils de pauvreté, 25 oct 1997 : Autre négation de la pauvreté Le Québec est-il si pauvre qu'on le dit ? 256sept 1999 : Un régime fiscal fou, fou, fou, 15 avril 1999, L'hypocrisie des cartes de compétences 8 avril 1999, etc., etc. Les deux compères de la Presse à Desmarais font métier à plein temps de déblatérer contre les syndicats, contre l'État, contre les impôts, contre les bénéficiaires de l'aide sociale, contre les fonctionnaires, tout en faisant l'apologie des entrepreneurs, du capitalisme, du marché, de l'Ontario, des États-Unis, etc.
4- " Pour une baisse radicale des impôts, c'est de que prône l'économiste en chef de la Banque Nationale (Dominique Vachon) ", La Presse, 27 février 1999.
5- " Le Conseil du patronat du Québec réclame 4,5 milliards d'impôts ", Le Devoir, 6 août 1999.
6- Le jour de la libération fiscale est arrivé 24 heures plus tôt, Le Devoir, 22 juil 1999. Cet institut financé par son membership de banques et de compagnies nous sert à chaque année le même sophisme voulant que les québécois commencent à travailler pour eux-mêmes le 6 juillet : avant ils ont payés des impôts et taxes, ils ne travaillaient donc pas pour eux-mêmes comme s'ils ne recevaient aucun service de l'État en échange de l'impôt.
7- " Il faut s'adapter ! " C'est une necessité ", lance Bouchard en ouvrant le Sommet ", Le Devoir, 30 octobre 1996. " Le coût des programmes sociaux, Bouchard veut aligner le Québec sur l'Ontario et les États-Unis, Le Devoir, 9 mars 1996.
8- Les prêteurs, Ce sont les agences de crédit et les prêteurs au gouvernement qui lui dictent sa politique fiscale et budgétaire, a reconnu hier Bernard Landry. " Le Journal de Montréal, 29 octobre 1997.
9- TISON, Marie, " 2,9 millions versés à trois entreprises, Québec continue d'appuyer les centres d'appels ", Le Devoir, 21 sept. 1999.
10- BRETON, Gaétan, BLAIN, Jean-François, Les mauvais coûts d'Hydro-Québec, Éditions Nota Bene, 1999.
11- Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, Pauvreté et respect des droits : Le Canada et le Québec au banc des accusés, mars 1999. Voir la réaction " Louise Harel accueille fraîchement le rapport d'un comité de l'ONU ", Le Devoir, 8 déc. 1998.
12- BERGER, François, " Au tour des fonctionnaires de goûter aux compressions d'Emploi-Québec ". La Presse, 24 sept. 1999.
13- LACHARITÉ, Manon, MICHAUD, Éric, " Hydro-Québec, La Régie de l'énergie paralysée, la valse-hésitation du gouvernement risque de confiner l'organisme à un simple rôle d'observation et de sanctionnement a posteriori. " Le Devoir, 22 sept. 1999.
14- BISSON, Bruno, " Bégin révoque le permis de Boralex, la construction d'une petite centrale sur la Batiscan fera l'objet d'un nouvel examen ", La Presse, 24 sept. 1999.
15- FRANCOEUR, Louis-Gilles, Environnement, " Bisbille sur fond de déréglementation. ", Le Devoir, 1er mars 1998. De même à Montréal GRUDA, Agnès, " Danse avec les promoteurs ", Le Devoir, 18 mars 1999.

 

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